- MYCOSES
- MYCOSESLes mycoses sont des maladies provoquées par le développement de champignons dans des organismes vivants. Les symptômes sont extrêmement variés et dépendent non seulement de l’hôte lui-même, de sa nature, de sa capacité de résistance et de la localisation de la maladie, mais également du parasite, de son espèce, de sa variété et de sa virulence. Le diagnostic d’une mycose exigera donc fréquemment la mise en évidence du parasite dans les lésions et son identification précise.L’étude du champignon est ainsi intimement liée à celle de la maladie qu’il provoque, à la fois du point de vue des manifestations pathologiques et du diagnostic et également du point de vue de l’épidémiologie de la maladie, de son origine, de sa dissémination et de son traitement.Mais le champignon parasite peut être étudié sans tenir compte de l’organisme parasité, et les recherches sur la morphologie aussi bien in vitro (en culture) qu’in vivo dans l’organisme parasité, sur la physiologie, la biochimie et l’écologie de ces parasites sont d’un intérêt capital dans l’étude des mycoses. Ils peuvent permettre de comprendre les causes de la pathogénicité et ils donnent de précieux renseignements sur les rapports entre les hôtes et les parasites, sur l’épidémiologie des mycoses et sur le mode d’action des antifongiques.Les champignons sont d’ailleurs assez différents non seulement des animaux, mais également des plantes par leur structure filamenteuse ou cellulaire (levure) et par l’absence de pigment assimilateur. N’ayant pas de chlorophylle, ils ne peuvent synthétiser leur substance à partir du gaz carbonique de l’air comme les plantes et doivent vivre au dépens des matières organiques préformées. La plupart se développent en saprophytes sur la matière organique en décomposition; d’autres utilisent la matière organique vivante. Parmi ces derniers, certains vivent en symbiose avec les racines des plantes; c’est pourquoi on trouve dans les forêts les champignons à chapeaux souvent associés à telle ou telle essence d’arbre. D’autres, enfin, produisent des maladies chez les êtres vivants.Le nombre des champignons décrits est évalué entre 50 000 et 500 000 suivant que la notion d’espèce est restreinte ou élargie. Or, parmi eux, une centaine d’espèces sont pathogènes pour l’homme et les animaux, alors que chez les végétaux ce nombre peut s’élever à 40 000.1. Mycoses des plantesOn estime actuellement que 20 p. 100 environ de la production végétale mondiale est détruite chaque année, soit en cours de végétation, soit après la récolte (pendant les transports ou la conservation), par divers parasites (insectes, champignons, bactéries, virus). Parmi ces derniers, les champignons jouent un rôle prépondérant par les nombreuses mycoses (encore appelées maladies cryptogamiques) qu’ils provoquent chez les plantes. Grâce à un puissant arsenal d’enzymes, de toxines et d’antibiotiques, nombre d’entre eux sont couramment capables de vaincre les défenses qu’opposent les cellules végétales saines aux agressions des micro-organismes. Au contraire, les bactéries (exception faite de quelques graves bactérioses entraînant la mort de l’hôte: Erwinia amylovora du poirier, Pseudomonas persicae du pêcher...) n’interviennent le plus souvent, et concurremment d’ailleurs à des champignons peu virulents, que sur des tissus mourants ou morts pour achever d’en dégrader la structure et la substance.Les mycoses sont fondamentalement des associations pathologiques entre les plantes et leurs parasites. Leurs caractéristiques propres sont infiniment variées, mais on retrouve certaines constantes globales dans le déroulement de ces maladies. Pour ce faire, il convient de prendre un certain recul par rapport à l’aspect purement économique des problèmes qu’elles posent et d’apprécier la gravité de l’implantation de chaque champignon en fonction de son influence sur la physiologie et les possibilités de survie de son hôte, et non en fonction des seules pertes économiques que son développement est susceptible d’occasionner.La flore pathogèneLe parasitisme simpleDans un concept initial de parasitisme simple, on a d’abord attribué chaque mycose végétale à l’action d’un seul parasite, et les dénominations des maladies se sont alors longtemps confondues avec celles des champignons incriminés. Dans le cas des affections bien caractérisées et anciennement connues, dès que la nature fongique de l’attaque a pu être décelée, l’appellation du champignon responsable des dégâts fut tirée du nom vernaculaire des symptômes extériorisés: ainsi, le genre Uredo correspond au stade morphologique le plus banal des représentants du groupe des Urédinales, ou Rouilles, qui provoquent, chez les céréales en particulier, des maladies connues elles-mêmes sous le vocable de rouilles et que les auteurs latins dénommaient déjà rubigo ou, plus communément, uredo. De même, les mycoses appelées charbons sont dues à des Ustilaginales dont le genre principal est Ustilago (du latin ustulare ou ustilare, brûler partiellement, charbonner). Pour les autres maladies, d’étude plus récente, dont les symptômes sont moins bien caractérisés ou dont le diagnostic nécessite l’identification préalable du parasite, on observe le processus inverse, le champignon donnant alors son nom à la mycose: des dénominations telles que fusariose ou alternariose n’ont plus aucune signification symptomatologique, mais traduisent simplement le fait que les mycoses qu’elles désignent sont dues à des champignons des genres Fusarium ou Alternaria. Toutefois, dans les deux cas, le nom de la mycose et celui du parasite restent étroitement liés.Au sein de ce concept de parasitisme simple, l’étude des relations entre le parasite et son hôte a naturellement conduit à la notion d’une lutte entre les deux organismes, lutte dont l’issue dépend à la fois de la virulence du premier et de la résistance ou de la sensibilité du second. En fonction des aptitudes des protagonistes, la mycose évoluera jusqu’à un stade déterminé, pouvant aller de la guérison à la mort de l’hôte. C’est bien ce qu’on observe dans certains types d’infection, comme les rouilles ou les charbons déjà cités, qui atteignent d’emblée des plantes jusqu’alors en bonne santé apparente.Les cortèges de parasitesToutefois, l’expérience a démontré que les cas où un parasite, seul, tue véritablement son hôte étaient extrêmement rares. Le plus souvent, il ne fait que l’affaiblir, et l’on voit alors s’installer sur la plante, encore vivante, tout un cortège d’autres champignons et, éventuellement, de bactéries. Ces derniers micro-organismes, en général incapables d’attaquer une plante saine et vigoureuse, envahissent facilement des tissus souffrants ou blessés. Ainsi est apparue la notion de parasites de faiblesse, ou parasites secondaires, opposée à la fois à celle de parasites forts, ou parasites primaires, et à celle de saprophytes. Les trois catégories biologiques ainsi définies ne diffèrent en fait l’une de l’autre que par les intensités de leurs virulences, élevées chez les parasites primaires, moyennes ou faibles chez les parasites secondaires, nulles ou presque chez les saprophytes. Les limites n’en sont donc pas tranchées, et les parasites secondaires, notamment, peuvent souvent subsister sur les débris morts, achevant ainsi en saprophytes leur œuvre destructrice. Néanmoins, cette classification biologique des parasites est fondée sur d’indéniables différences physiologiques et se superpose assez bien à celle que l’on peut établir sur la base de la polyphagie: les Urédinales, les Ustilaginales, certains Ascomycètes tels que l’ergot du seigle ou ceux qui provoquent les mycoses connues sous le nom d’oïdiums sont des parasites forts et ne s’accommodent guère que d’un nombre très restreint de plantes hôtes, alors que l’éclectisme augmente à mesure que la virulence décroît.Les complexes infectieuxOn a d’abord tenté de mettre ces notions quantitatives en accord avec le concept initial de parasitisme simple en estimant qu’un seul parasite est essentiel, le plus virulent du cortège et le premier installé sur la plante, seul capable de s’attaquer à l’hôte sain; il ouvre la voie aux autres, mais ces derniers n’ont alors qu’un rôle accessoire et tardif, même si, par leur prolifération ultérieure, ils arrivent à entraver le développement du parasite primaire. Cependant, de nombreux processus maladifs sont vite apparus plus complexes encore, principalement en raison de deux ensembles de phénomènes:– Vis-à-vis de chacun de ses parasites éventuels, une plante dispose de caractères génétiques de résistance (ou de sensibilité) qui conditionnent en quelque sorte un taux maximal de résistance potentielle, toute déficience, au moment de l’attaque, pouvant naturellement abaisser sa résistance effective et, par là même, la rendre plus sujette à l’infection. Symétriquement, tout parasite est doué d’un certain degré d’agressivité vis-à-vis de chacun de ses hôtes éventuels, degré qui est également défini par des facteurs génétiques. Il s’ensuit qu’une maladie ne pourra se développer que si l’agressivité du parasite est égale ou supérieure à un seuil déterminé, dont le niveau est fixé par le degré de résistance effective de la plante, compte tenu de ses caractères génétiques et des facteurs susceptibles d’altérer son équilibre physiologique (malnutrition, conditions climatiques défavorables, autre maladie déjà implantée, etc.). Un parasite secondaire pourra ainsi intervenir en parasite primaire chez des plantes cultivées sur un sol ou sous un climat imparfaitement adaptés à leurs besoins: les extensions massives de cultures dans des régions, voire des continents, où elles n’existaient pas ont attiré l’attention sur ce phénomène.– Au sein des cortèges de champignons qui s’établissent au cours de l’évolution d’une mycose, il existe des antagonismes ou des synergismes entre les divers parasites, et non de simples implantations successives. Ainsi, il n’est pas rare de voir un parasite secondaire arrêter les processus de fructification du parasite primaire et surimposer ses propres symptômes à ceux du premier. De plus, on a observé des cas où l’ensemble des possibilités d’évolution de la maladie est complexe, constitué de plusieurs cortèges potentiels incompatibles entre eux, l’absence d’un ou de plusieurs éléments clés de la flore secondaire autorisant le développement d’un cortège déterminé, leur présence l’inhibant au contraire pour permettre à un autre cortège de s’implanter.Ainsi s’est dégagé le concept de complexe infectieux, qui remplace peu à peu celui du parasitisme simple dans l’interprétation d’un bon nombre de mycoses végétales. Ces complexes infectieux sont constitués de cortèges de champignons qui interviennent successivement, ou parfois presque simultanément, dans un ordre déterminé fondamentalement par leurs virulences respectives, mais aussi par les conditions climatiques, la nature de l’organe attaqué, celle du parasite primaire et éventuellement celle de quelques éléments clés de la flore secondaire. Enfin, il est intéressant de noter que ces maladies retrouvent alors souvent des appellations dérivées de la symptomatologie (dépérissement, flétrissement, etc.), tout comme les exemples les plus caractéristiques des mycoses imputables à des processus de parasitisme simple (rouilles, charbons, ergots, etc.).L’évolution des mycosesL’invasion des tissus de l’hôteLa caractéristique essentielle d’une mycose est la pénétration d’une partie au moins du thalle du champignon à l’intérieur des tissus de la plante. Le parasite doit donc être capable de franchir les barrières physiques constituées par les parois rigides des cellules de son hôte. Pour cela, il dispose de moyens efficaces, de nature enzymatique et de nature mécanique. Les premiers comprennent des séries d’enzymes susceptibles de dégrader les trois principaux groupes de substances dont l’association forme le squelette des parois rigides des cellules végétales: celluloses, lignines et composés pectiques. Si l’intervention des enzymes cellulolytiques et ligninolytiques semble n’être fréquente et importante que chez les champignons lignivores, attaquant le bois, les enzymes pectinolytiques sont très largement distribuées et interviennent notamment lors de la progression des parasites au sein des tissus parenchymateux.Le franchissement de la cuticule, qui constitue souvent la première étape de l’infection, fait appel à des moyens mécaniques avec l’intervention d’un organe particulier, l’appressorium. Pour édifier cet organe, l’apex du mycélium, issu, en général, d’une spore germée à l’extérieur de la plante, adhère fortement à la cuticule, cesse de croître en longueur, mais augmente de diamètre pour constituer une sorte d’ampoule fortement appliquée sur la cuticule; les parois de cette ampoule semblent être très rigides, non extensibles, sauf en un point situé sur la surface qui adhère à la cuticule. La pression cytoplasmique, augmentant dans l’appressorium devenu inextensible, se concentre alors sur cette zone de croissance ponctuelle, à partir de laquelle se développe un filament perforant très fin, capable de traverser la cuticule. Cet obstacle franchi, les étapes ultérieures de la pénétration se font essentiellement par les processus enzymatiques décrits précédemment.La dégradation des tissus de l’hôteInstallé dans les tissus de la plante, le champignon peut vivre aux dépens des cellules encore vivantes, émettant alors des suçoirs qui pénètrent dans les cellules; dans ce cas, la zone infectée apparaît souvent, extérieurement, peu altérée. Dans d’autres cas, le parasite tue d’emblée les cellules pour se nourrir des restes morts de leur protoplasme; il agit essentiellement, semble-t-il dans ce cas, par des émissions de toxines et d’enzymes qui altèrent la nature semi-perméable de la membrane plasmatique, entraînant alors une perte d’eau et de métabolites incompatible avec la survie de la cellule. Lorsque le parasite montre un tel comportement, la structure du tissu est vite altérée, ce qui conduit à des pourritures de divers types.Dans les tissus parenchymateux, le champignon dégrade souvent les seuls composés pectiques, détruisant ainsi les lamelles mitoyennes des cellules et désagrégeant le tissu; on voit alors se développer des pourritures molles si les processus sont assez rapides, des pourritures sèches si le développement du parasite reste lent et localisé. À l’opposé, dans les tissus du bois, on observe des symptômes plus variés par suite de l’intervention des enzymes cellulolytiques et ligninolytiques: les champignons lignivores sont en effet capables, dans un premier temps, de dissocier les constituants essentiels de la paroi, lignines et celluloses, puis de dégrader ensuite les uns ou les autres, voire les deux simultanément. Il s’ensuit des pourritures du bois dont la couleur et le type varient selon le mode de digestion réalisé. La couleur des zones atteintes peut varier du blanc au rouge brun, selon qu’il s’agit de pourritures blanches , obtenues lorsque le champignon dégrade préférentiellement les lignines, ou de pourritures rouge brun , lorsqu’il détruit les celluloses. Les types de pourritures des bois, quant à eux, peuvent être classés en trois groupes. D’abord, les bois attaqués par des champignons qui décomposent les celluloses en laissant subsister les lignines deviennent très friables, prennent une teinte plus foncée que la normale, souvent brunâtre ou brun rougeâtre, et se clivent selon trois directions sensiblement perpendiculaires: ce sont les pourritures cubiques. Plus souvent, les lignivores dégradent les deux constituants du bois, mais avec des intensités variables, digérant plus ou moins complètement les lignines, alors que l’attaque des celluloses n’est jamais totale: le bois acquiert une texture fibreuse et molle, caractéristique des pourritures fibreuses , de teintes claires ou franchement blanches. Enfin, certains champignons digèrent presque complètement les lignines et les celluloses, mais leur action se concentre sur des îlots assez bien délimités (pourritures alvéolaires ) ou dans des zones tubulaires orientées selon le fil du bois (pourritures tubulaires ), qui deviennent autant de petites loges creuses ou de canaux.La dégradation des tissus autres que parenchymateux ou ligneux peut faire intervenir conjointement des modes d’action pectinolytiques et cellulolytiques, mais souvent avec une large prépondérance des premiers; en particulier, les tissus du phloème se désagrègent fréquemment sous la forme de fibrilles d’autant plus grossières que l’action cellulolytique aura été moins accentuée.Les réactions de l’hôteLa plante atteinte ne se laisse pas envahir passivement par le champignon, mais tente de limiter l’extension de la mycose. Elle dispose d’abord d’antibiotiques et de substances susceptibles de gêner la croissance du parasite, souvent préexistantes chez les plantes résistantes, produites en réaction aux processus d’infection chez celles qui le sont moins. Elle pourra ensuite circonscrire l’attaque en édifiant autour de la zone infectée des barrages de tissus subérifiés qui arrêteront la progression du champignon et même, au moins partiellement, la diffusion des toxines vers les tissus restés sains. Les vaisseaux, qui constituent des chemins de pénétration aisée, peuvent être comblés par des thylles ou des dépôts gommeux. Au niveau des cellules elles-mêmes, on observera des épaississements de la paroi aux points de pénétration ou encore l’enrobement des hyphes dans des manchons cellulosiques. On notera également des réactions plasmatiques , opposées en général aux parasites peu virulents, par lesquelles les cellules de l’hôte altèrent la structure des hyphes et les digèrent plus ou moins complètement, et, vis-à-vis des champignons qui ne vivent qu’aux dépens de cellules vivantes, des réactions nécrogènes dans lesquelles on voit les cellules se nécroser autour des hyphes, les isolant ainsi au sein d’un tissu mort, inapte à satisfaire leurs besoins nutritifs.Les principaux types de mycosesSi les types de mycoses, dont il n’est pas possible de dresser ici une liste complète, sont extrêmement variés, les symptômes propres à chacune d’entre elles résultent essentiellement de la combinaison de trois éléments, avec tous les degrés possibles de prépondérance relative de l’un ou l’autre de ces éléments:– l’aspect des fructifications du parasite;– le mode d’altération des tissus de l’hôte;– les réactions de l’hôte.Bien que sa physiologie soit toujours perturbée, ne serait-ce que par des déficiences partielles en eau ou en métabolites, l’hôte peut n’extérioriser que des réactions mineures, les symptômes étant alors presque exclusivement constitués par l’aspect des fructifications du champignon (oïdiums, certaines rouilles, etc.). Plus souvent, l’aspect de la mycose résulte simultanément du mode d’altération des tissus de l’hôte et de l’aspect des fructifications: c’est notamment le cas des pourritures de certains tissus avec fructification du parasite en surface (pourritures de fruits, pourritures du bois, etc.) ou celui des destructions quasi complètes d’organes (castrations parasitaires, avortement des graines) alors remplacés par les fructifications (certains charbons) ou les stromas (ergots) du champignon. On trouvera encore des mycoses dont les symptômes caractéristiques résultent d’une juxtaposition de l’aspect des fructifications du parasite et de certaines des réactions de l’hôte, telles que les barrières de tissus subérifiés qui circonscrivent la zone infectée (taches foliaires), les tissus de cicatrisation (certains chancres) ou des troubles de la croissance (rouilles déformantes, balais de sorcières, etc.). Enfin, les réactions de la plante, seules, peuvent constituer l’essentiel des symptômes apparents (certaines flétrissures, brunissures de feuilles, fontes de semis, etc.).2. Mycoses de l’homme et des animauxChez l’homme et l’animal, les mycoses sont caractérisées par une allure subaiguë ou chronique, par une formule sanguine non modifiée et par l’absence de fièvre; les lésions cutanées sont fréquentes dans ces affections. Ces données cliniques guident le médecin et le vétérinaire dans leur diagnostic.Les mycoses superficielles provoquées par les champignons des teignes sont connues depuis la fin du siècle dernier et les premières années du XXe siècle grâce aux remarquables travaux de R. Sabouraud. Cet auteur a en effet étudié l’évolution clinique des mycoses superficielles et les a classées; il a en outre cultivé et déterminé les caractères des champignons qui les provoquent; enfin, il a mis au point des remèdes efficaces, en particulier la radiothérapie.L’importance des mycoses profondes est une découverte des années 1950: les grandes endémies, comme l’histoplasmose et la coccidioïdomycose sur le continent américain, en sont les exemples les plus frappants. Le développement moderne de la mycologie médicale coïncide avec cette découverte.La mycologie médicale présente certaines particularités qui seront traitées dans cet article: les caractères des champignons pathogènes, les problèmes d’épidémiologie et d’écologie, celui des facteurs favorisant le développement des mycoses, enfin le diagnostic et le traitement.Les champignons pathogènes pour l’homme et les animauxTous les champignons pathogènes pour l’homme et les animaux sont microscopiques. Ils se cultivent en général facilement sur des milieux sucrés, mais leur développement est le plus souvent lent. Leur identification est fondée soit sur l’étude de la sporulation, qui ne se produit qu’au contact de l’air (il faut donc cultiver ces champignons sur milieux solidifiés par de la gélose), soit sur la détermination des caractères physiologiques.La morphologie macroscopique , la consistance, la couleur, le temps de développement des colonies obtenues en culture sont des caractères importants. Certaines colonies sont lisses, crémeuses et formées de levures unicellulaires bourgeonnantes; celles des Candida sont blanches avec filamentation en profondeur dans la gélose (fig. 1); celles de Cryptococcus neoformans prennent une couleur ocrée après quatre ou cinq jours. D’autres colonies se présentent comme des moisissures filamenteuses d’aspects divers et de couleurs variées: blanches, brunes, noires...; la formation d’une multitude de spores en surface peut changer complètement la couleur de la colonie.La morphologie microscopique s’observe sur un fragment de colonie disposé dans une goutte de liquide entre lame et lamelle de verre. La forme, la taille, la septation des spores et la façon dont elles apparaissent sur les filaments sont des caractères très importants pour l’identification des espèces.La plupart des champignons pathogènes sont des Fungi imperfecti dont la reproduction sexuée est inconnue. Ils sont répartis dans la classification de ces champignons sans former un groupe particulier. On trouve des Mycelia sterila qui ne produisent aucune spore, des levures anascosporées qui se multiplient par bourgeonnement et des champignons filamenteux (Mucédinacées ou Dématiacées) qui produisent des spores de différents types. Les champignons des teignes (ou dermatophytes) peuvent former, d’une part, de petites aleuriospores rondes ou piriformes, les microconidies (de 2 à 4 猪m), d’autre part, de grandes spores allongées et cloisonnées transversalement, les macroconidies ou fuseaux (fig. 2). Phialophora pedrosoi , agent de chromomycose, présente trois modes de formation de spores (fig. 3 et 4): cladosporium, acrothéca et phialide.Des travaux importants, effectués dans les années 1960, tendent à rechercher la forme sexuée des champignons pathogènes. En 1927, Nannizzi avait déjà décrit la forme sexuée d’un agent de teigne, mais ses travaux n’avaient pas été pris au sérieux. Il a fallu attendre 1961 pour que P. Stockdale, d’une part, C. O. Dawson et J. C. Gentles, d’autre part, confirment la découverte de Nannizzi et classent définitivement ces champignons dans la classe des Ascomycètes, famille des Gymnoascaceae. Des recherches se sont poursuivies dans ce sens, et la forme sexuée de plusieurs champignons pathogènes a déjà été décrite.Dans un autre ordre d’idées, la forme parasitaire des champignons pathogènes est souvent différente de leur forme saprophytique obtenue en culture. Plusieurs champignons des mycoses profondes, qui se cultivent sous forme filamenteuse, prennent in vivo dans l’organisme parasité une forme de levure bourgeonnante ou encore de sphérule contenant des spores internes. C’est le cas, par exemple, de Sporothrix schenckii , agent de la sprorotrichose, de Blastomyces , agent de la blastomycose, des Histoplasma , agents des histoplasmoses ou de Coccidioides immitis , agent de la coccidioïdomycose. De nombreux chercheurs se sont attachés à reproduire en culture les conditions nécessaires à l’obtention de la forme parasitaire de ces champignons. À côté de leur intérêt théorique, ces recherches se sont révélées fort utiles. En effet, le pouvoir pathogène expérimental est plus grand pour cette forme parasitaire; en outre, celle-ci présente des caractères immunologiques particuliers et la possibilité, au moins pour l’un des parasites, d’obtenir un vaccin dans de bonnes conditions.L’étude de la physiologie des champignons pathogènes a apporté des résultats précieux pour la différenciation des genres et des espèces. Les différentes espèces de Candida se distinguent par leurs caractères de fermentation des sucres. Mais cette méthode est longue et on lui en substitue d’autres qui donnent une réponse entre vingt-quatre et quarante-huit heures: l’utilisation des sucres en aérobiose, la formation de chlamydospores sur milieu à l’amidon en présence de bile... La différenciation morphologique de certains champignons des teignes est souvent difficile; dans ce cas, l’absence d’utilisation de certaines vitamines ou d’un acide aminé est une aide précieuse.Épidémiologie des mycoses et écologie des champignons pathogènesMycoses superficiellesLa plupart des mycoses superficielles dues aux dermatophytes sont transmissibles d’un être humain ou d’un animal à un ou plusieurs autres. Elles peuvent provoquer des épidémies très importantes: telles les teignes des enfants qui exigent l’éviction scolaire; le favus épidémique dans le pourtour méditerranéen; les épidémies de teigne à Trichophyton equinum dans les écuries de chevaux de cavalerie; les teignes des bovins qui sévissent surtout lors de la stabulation; la teigne de la souris à Trichophyton mentagrophytes qui ravage les élevages de ces animaux.Certains de ces champignons sont spécifiques de l’être humain ou de l’animal; d’autres peuvent être transmis de l’animal à l’homme, mais, peu adaptés à ce dernier, ne provoquent que de petites épidémies. Le cas le plus typique est celui de la microsporie du chat; cet animal peut porter des lésions très peu visibles aux griffes et infecter toute une famille (fig. 5 et 6).Certains de ces dermatophytes sont ubiquistes, d’autres, au contraire, spécifiques d’une région géographique donnée: Trichophyton soudanense en Afrique noire, Microsporum ferrugineum en Extrême-Orient, par exemple; transmis par des porteurs de germes dans d’autres régions, ils ne s’y adaptent pas. Le Trichophyton violaceum , comme l’agent du favus, sévit dans le pourtour méditerranéen et s’adapte en particulier dans les communautés juives transplantées; transporté par les Portugais et les Espagnols, il s’est implanté en Amérique du Sud.Le cas d’adaptation le plus spectaculaire est celui du Trichophyton rubrum , principal agent de la dermatophytie des pieds connu sous le nom de «pied d’athlète»; la dermatophytie est la mycose incontestablement la plus fréquente dans le monde: le champignon, originaire d’Extrême-Orient, s’est répandu à la surface du globe avec une rapidité extraordinaire. Signalé pour la première fois en Afrique du Nord par A. Catanéi en 1947, il représente au Maroc, d’après une statistique faite en 1968, 50 p. 100 des agents des teignes de la peau glabre. Les Américains, envahis depuis longtemps par Trichophyton rubrum , ont probablement favorisé son développement lors de leur débarquement en Afrique du Nord au cours de la dernière guerre. Ces dermatophytes du pied sont transmis par les squames où le champignon peut rester vivant sous forme filamenteuse plusieurs mois ou même plusieurs années (fig. 7). E. Drouhet a montré, en 1967, la présence des agents de ces affections sur le sol des piscines très bien nettoyées de la région parisienne.Mycoses profondes et sous-cutanéesÀ l’inverse des mycoses superficielles, les mycoses sous-cutanées et profondes ne sont pas transmissibles d’un être humain ou d’un animal atteint à d’autres. Les champignons qui les provoquent vivent à l’état saprophytique dans la nature. Ou ils s’introduisent dans l’organisme par voie aérienne et s’implantent d’abord dans les poumons (cas de mycoses profondes), ou bien ils pénètrent dans l’organisme à la faveur d’un traumatisme de la peau (cas des mycoses sous-cutanées), telle la chromomycose dont les lésions sont souvent très saillantes.Mycoses profondesCertaines des mycoses profondes sont ubiquistes comme la cryptococcose dont l’agent, la levure capsulée Cryptococcus neoformans , a été trouvé dans le lait – la mammite de la vache à cryptocoque n’étant pas exceptionnelle – et fréquemment dans les fientes de pigeons (C. W. Emmons, 1955).D’autres mycoses, au contraire, sont localisées dans certaines régions plus ou moins délimitées, car les champignons responsables se trouvent implantés dans leur sol. La coccidioïdomycose est endémique dans les régions désertiques, en particulier dans le sud-ouest des États-Unis et le nord du Mexique, ainsi qu’au Chaco en Amérique du Sud. D’après C. W. Emmons (1942), la présence dans ces régions de rongeurs sauvages, que la maladie atteint sans les exterminer, favorise le maintien du parasite dans le sol. De remarquables travaux d’épidémiologie et d’écologie ont été effectués par C. E. Smith et Egeberg dans la San Joachin Valley près de Los Angeles.L’histoplasmose, qui existe à l’état endémique dans la vallée du Mississippi, a pour agent Histoplasma capsulatum. Ce champignon a été isolé du sol enrichi par des fientes d’oiseaux, par celles des poulets en particulier; on le trouve dans certaines grottes où vivent des chauves-souris atteintes de la maladie, le champignon se développant dans leur guano. De nombreux cas d’histoplasmose, souvent graves, parfois mortels, atteignent les personnes qui visitent ces grottes.Mycoses sous-cutanéesParmi les mycoses sous-cutanées, les mycétomes , surtout fréquents dans les zones tropicales, ne sont pas rares dans la vallée du fleuve Sénégal. Divers agents de cette maladie ont été isolés à partir d’épines mortes souillées par les boues provenant des débordements du fleuve. Or, les piqûres d’épines sont souvent à l’origine de l’introduction de l’agent pathogène.La sporotrichose est également provoquée par des blessures avec échardes de bois ou des épines, et l’agent pathogène, Sporothrix schenckii , a été découvert dans des plantes épineuses. Mais F. Mariat a montré, en 1971, qu’un saprophyte du genre Ceratocystis , très fréquent sur le bois, pouvait être transformé en Sporothrix schenckii par inoculation à l’animal, chez qui il produit une maladie semblable à celle provoquée par cet agent pathogène.Facteurs favorisant le développement des mycosesBeaucoup de champignons ne sont qu’accidentellement pathogènes; on les a appelés, de façon imagée et un peu abusive, champignons «opportunistes». Certains ne donnent que très exceptionnellement des mycoses surajoutées à d’autres affections; d’autres sont des pathogènes très fréquents.Les plus communs sont les Candida , en particulier Candida albicans qui est un hôte normal du tube digestif de l’homme (E. Drouhet, 1965); les autres espèces se rencontrent sur les téguments. À la faveur de circonstances favorables, ils sont agents d’affections graves et même mortelles.Un antibiotique antibactérien utilisé par la bouche supprime la flore bactérienne normale de l’intestin, mais il est sans action sur le Candida albicans qui, chez certains individus, se met à proliférer, produisant des diarrhées tenaces et des états dépressifs. L’intestin est certainement lésé, car le traitement par antifongique ne procure qu’un soulagement passager, et, dès sa suppression, la candidose récidive. La guérison survient fortuitement sans cause apparente.Candida albicans est également l’agent du muguet qui apparaît chez les enfants et les vieillards débiles. Chez les prématurés, il peut envahir l’organisme et entraîner la mort; sa fréquence est telle que les traitements par antibiotiques antibactériens se pratiquent souvent sous couvert d’antifongiques. Les Candida sont également les agents de vaginites, notamment chez les femmes enceintes, d’onyxis accompagnés de périonyxis chez les femmes qui ont fréquemment les mains dans l’eau, et de lésions cutanées suintantes localisées aux plis. Enfin, ils peuvent provoquer les endocardites souvent mortelles après interventions chirurgicales sur le cœur ou par leur introduction lors de la pose de cathéters.La cryptococcose peut se greffer sur une maladie de Hodgkin et servir de signal si celle-ci est méconnue. L’aspergillose des voies respiratoires – en particulier l’aspergillome – est beaucoup plus fréquente depuis l’emploi des traitements médicamenteux antituberculeux. En effet, les Aspergillus , si répandus dans la nature à l’état saprophyte, se développent sous forme de boules fongiques dans les cavités tuberculeuses détergées, provoquant périodiquement des hémoptysies, qui peuvent être très graves et même mortelles (fig. 8).Diagnostic biologique des mycosesLe diagnostic clinique des mycoses est souvent délicat, même dans les mycoses cutanées qu’il est parfois difficile de distinguer de certains états eczémateux. Dans les mycoses profondes, c’est souvent l’allure traînante de l’affection qui fait soupçonner sa nature mycosique. Le diagnostic biologique effectué au laboratoire est toujours utile, parfois indispensable.La mise en évidence du parasite par l’examen direct des prélèvements ou sur frottis colorés, et la détermination de l’agent pathogène après culture, est une méthode sûre quand il s’agit d’un champignon toujours pathogène; il peut donner de précieux renseignements sur l’évolution et la contagion de la maladie suivant la nature de l’agent pathogène: guérison spontanée, chronicité, aggravation. Une étude histopathologique effectuée sur biopsie met remarquablement en évidence par des colorations spécifiques la morphologie des champignons dans les tissus infectés, et la réaction cellulaire qui l’accompagne (fig. 9 et 10). Ces données permettent le plus souvent d’avoir une forte présomption sur la nature de l’agent pathogène et, dans certains cas, d’être assuré de sa nature. Ce dernier examen est indispensable quand l’agent de la maladie est un champignon accidentellement pathogène, fréquent dans l’environnement.Cet examen permet également de se rendre compte des rapports hôtes-parasites en étudiant en particulier les réactions de l’organisme. La réaction la plus fréquente est représentée par le granulome. L’absence de réaction qui se manifeste dans la cryptococcose s’expliquerait par la présence de la capsule polyosidique entourant la levure Cryptococcus neoformans , agent causal de la maladie. Les nécroses et la fragilité capillaire que l’on rencontre dans l’aspergillose seraient dues à des enzymes mises en évidence dans les cultures des Aspergillus pathogènes.D’autres méthodes de diagnostic ont été mises au point plus particulièrement depuis les années 1970; elles sont de nature immunologique. Les tests cutanés de type tuberculinique avec des filtrats de culture de champignon sont utilisés depuis les années 1940. Dans les mycoses profondes, comme la coccidioïdomycose et l’histoplasmose, ils révèlent par leur positivité l’état d’un individu dont la maladie évolue favorablement ou est même définitivement guérie depuis de nombreuses années. Dans les études épidémiologiques, ces réactions ont montré dans les zones d’endémies que des pourcentages très élevés d’individus présentaient des réactions positives et avaient donc contracté la maladie de façon bénigne ou même inapparente.Plus récemment, les réactions du sérum des malades avec des extraits fongiques ont apporté de très précieux appoints au diagnostic des mycoses. Les méthodes employées sont la double diffusion en gélose, l’immunoélectrophorèse, l’électrosynérèse et l’immunofluorescence. Depuis les recherches de Pepys en Angleterre, J. Biguet et E. Drouhet en France, tout diagnostic d’aspergillose pulmonaire se fait par de telles réactions.TraitementLe traitement des mycoses s’est complètement transformé grâce à la découverte d’antifongiques actifs sur les champignons.Premier antibiotique antifongique en date, la nystatine agit par contact direct et ne peut être utilisée par voie générale. Elle est employée dans le traitement des candidoses du tube digestif, des muqueuses et de la peau.L’amphotéricine B , de même nature chimique que le précédent, est l’antibiotique des mycoses profondes; son emploi par perfusion lente est délicat et exige l’hospitalisation du malade.La griséofulvine a révolutionné le traitement des teignes, qui exigeait autrefois pour les atteintes du cuir chevelu l’emploi de la radiothérapie épilatoire. Maintenant, la simple absorption de comprimés de griséofulvine per os arrête complètement le développement des champignons dans les poils et les squames et permet ainsi une guérison facile. Plusieurs antifongiques sont actuellement employés ou expérimentés: la 5 fluorocytosine et les dérivés imidazolés, en particulier le kétoconazole.
Encyclopédie Universelle. 2012.